Les urgences radiologiques

Les traumatismes pelviens sont fréquents en traumatologie puisque 10 % des patients polytraumatisés présentent une fracture du bassin.
L’anneau pelvien est une structure anatomique solide, ce qui signifie que la survenue d’une fracture du bassin survient principalement dans un contexte de traumatisme à forte cinétique et doit donc systématiquement faire rechercher des lésions associées en profondeur.

La mortalité élevée des traumatismes pelviens de l’ordre de 8 à 15 % est à la fois liée à la gravité des lésions hémorragiques pelviennes, mais également aux lésions extra-pelviennes associées (thoracique, abdominale et crânienne) dans un contexte de polytraumatisme qui impose systématiquement une prise en charge globale en milieu spécialisé.
L’enquête diagnostique initiale permet à la fois d’évaluer l’urgence de la prise en charge du traumatisme pelvien parmi les lésions hémorragiques liées au polytraumatisme, et aussi de définir la stratégie thérapeutique pelvienne par fixation et/ou radiologie interventionnelle associée. Cette dernière a pris une place majeure dans l’algorithme de prise en charge des patients traumatisés pelviens.

La principale complication des traumatismes pelviens est l’hématome rétropéritonéal intra-abdominal profond, avec le risque de choc hémorragique. La mortalité des patients traumatisés du bassin reste élevée, puisqu’elle est de 8 à 15 % selon les études lorsqu’on considère tous les patients qui présentent un traumatisme pelvien.
Cependant, la mortalité passe à 28 % quand on considère que les lésions pelviennes sont graves et jusqu’à 60 % pour les plus sévères d’entre elles.
Le caractère hémorragique d’un traumatisme pelvien accroît la mortalité puisque l’instabilité hémodynamique à l’arrivée est associée à une mortalité de 24 % qui est à 40 % lorsque le patient reste instable malgré la réanimation initiale.
Les facteurs de risques associés à une sur mortalité sont :
– l’âge de plus de 60 ans,
– l’existence d’un traumatisme crânien grave
– ou d’un choc hémorragique.
La ceinture pelvienne « du bassin » est constituée de trois os (deux ailes iliaques et le sacrum) articulés en avant au niveau de la symphyse pubienne et en arrière au niveau des deux articulations sacro-iliaques par un système ligamentaire solide.
Le cadre osseux pelvien constitue donc une ceinture robuste, raison pour laquelle son intégrité n’est menacée qu’au cours des traumatismes à haute énergie cinétique.

Ainsi, les chutes de grande hauteur sont pourvoyeuses de traumatisme du pelvis.
En effet, on relève 13 % de fracture pelvienne lors de chute de plus de 4,5 m, avec une vulnérabilité plus importante chez les patients âgés, puisque ce taux atteint 20 % pour un âge supérieur à 55 ans.
Les accidents de la voie publique : voiture, piéton, moto sont également à l’origine de traumatisme cinétique élevé et constituent des situations à risque de fracture du bassin.
Ainsi, les fractures du pelvis sont observées dans 15,5 % des accidents de moto et 13,8 % des accidents de voiture.
Les patients traumatisés pelviens sont à fort risque de lésions associées et doivent donc être pris en charge comme tout patient polytraumatisé.

La radiographie du thorax, échographie pleurale et abdominale ainsi que la radiographie du bassin sont systématiquement réalisées à l’accueil du patient polytraumatisé, afin de renseigner sur le foyer hémorragique principal.

Lorsque le patient est stable hémodynamiquement ou stabilisé par la réanimation initiale, une injection de produit de contraste est réalisée permettant un bilan vasculaire et osseux complet, à la fois du bassin mais également crânien et thoraco-abdominal.

De plus, la réalisation de l’examen après injection de produit de contraste permet de déceler des fuites de produit de contraste, synonymes de saignement actif dont la conséquence thérapeutique peut-être une artério-embolisation (le pelvis, foie, reins et rate) ou une chirurgie d’hémostase (mésentère).
L’existence d’une fuite artérielle pelvienne de produit de contraste au scanner, en l’absence totale d’instabilité hémodynamique, n’est pas une indication à l’artério-embolisation.

Cependant, cette dernière semble nécessaire dans plusieurs occasions :
– la nécessité d’une chirurgie longue orthopédique (le rachis ou le fémur) ou viscérale est un argument pour emboliser l’artère pelvienne en cause afin de s’affranchir d’un saignement pelvien qui peut devenir non contrôlé en per-opératoire.
– un saignement actif est un facteur de risque de décompensation qui doit conduire très précocement à une artério-embolisation avant même la survenue d’une hypotension (tachycardie, nécessité de remplissage vasculaire et de transfusion).
– pour certaines populations fragiles (patient âgé), il convient d’emboliser ces saignements dont la pérennité est rapidement mal tolérée.

Dans le cas de patient instable sur le plan hémodynamique malgré la réanimation initiale, l’urgence est au contrôle de l’hémorragie.
La première difficulté est de diagnostiquer avec certitude le foyer hémorragique principal en l’absence de scanner. La radiographie du thorax, l’échographie pleurale et abdominale ainsi que la radiographie du bassin sont des éléments d’informations dont on dispose afin de prendre une décision (chirurgie d’hémostase ou artériographie). Le scanner ne sera réalisé que dans un second temps.
L’angiographie pelvienne avec embolisation est la technique de choix afin de réaliser l’hémostase artérielle d’un traumatisme pelvien.

Toutefois, le saignement est d’origine veineuse dans la majorité des cas (90 %) et provient alors des plexus veineux ilio-lombaires, mais également des fractures osseuses qui ne sont pas embolisables. Un saignement artériel n’est impliqué que dans 10 % des cas, ce qui signifie qu’une minorité de patient peut tirer bénéfice d’une artériographie pour embolisation artérielle.

Cependant, en cas d’instabilité hémodynamique sans autre cause évidente d’hémorragie, un saignement artériel pelvien est retrouvé dans 40 voire 80 % des cas.
L’objectif de l’artériographie est d’identifier les vaisseaux à l’origine d’un saignement actif, mais aussi ceux compatibles avec une artère ayant saigné ou avec une artère traumatisée.

L’embolisation peut ensuite être pratiquée :
– de façon super sélective lorsqu’elle concerne uniquement la branche artérielle à l’origine du saignement,
– ou alors de façon non sélective par embolisation systématique des gros troncs telle que l’artère iliaque interne homolatérale, du côté de la fuite ou des deux (la vascularisation pelvienne est essentiellement assurée par les artères iliaques internes).
L’embolisation pelvienne a fait la preuve de son efficacité avec un taux de succès clinique de 80 à 100 % selon les études.
Si l’efficacité se juge sur la disparition du syndrome hémorragique dans les heures qui suivent l’embolisation, l’amélioration hémodynamique est souvent perceptible en salle d’artériographie une fois les vaisseaux en cause embolisés.
Les artères les plus fréquemment en cause sont, par ordre décroissant, les artères honteuses internes, fessières, obturatrices, sacrées latérales puis l’artère ilio-lombaire (toutes issues des artères iliaques internes).

Cette technique d’artério-embolisation nécessite un environnement d’imagerie radiologique performant, de haute technologie, retrouvée actuellement dans les grands centres hospitalo-universitaires permettant à différentes équipes médicales polydisciplinaires d’intervenir sur le polytraumatisé en un seul lieu, évitant ainsi de le déplacer, surtout dans un état d’instabilité générale.
Cette technique permet dans un premier temps de stabiliser l’état général du patient, et de permettre une prise en charge chirurgicale secondaire en cas de nécessité.